Le Séminaire israélite de France
Etudes, écrits, documents et souvenirs
sous la direction de Yehouda BITTY

Cerf Patrimoines ; 6 mars 2025 ; EAN : 9782204166072 ; 256 pages ; Broché ; papier : 27,55 € ; ebook (ePub) : 14.99 €

 

En 1820, l'idée de créer une école rabbinique en France a commencé à prendre forme. Elle fut officiellement inaugurée à Metz en 1830. Transférée à Paris sous le nom de Séminaire israélite, elle est installée depuis 1881 au 9, rue Vauquelin, au coeur du Quartier latin.
Le Séminaire israélite de France, dont la mission principale est de former des rabbins, a joué un rôle essentiel dans l'histoire du judaïsme français. Il a été témoin de l'émancipation des Juifs en France, de leur intégration, des deux guerres mondiales et des évolutions de la communauté juive au XXe siècle.
Son histoire reste pourtant largement méconnue. Ne lui est consacré qu'un seul ouvrage, rédigé en 1930 par le grand rabbin Jules Bauer, alors directeur de l'institution. À l'approche de son bicentenaire, il est temps de combler ce vide en présentant une histoire complète du Séminaire israélite de France, à la fois accessible au grand public et utile aux spécialistes.
Cet ouvrage privilégie les sources primaires, autrefois réservées à un cercle restreint d'érudits. Il réunit des études de synthèse et d'analyse, ainsi que des documents historiques, des écrits souvent oubliés et des récits biographiques. Cette approche met en lumière l'apport de la micro-histoire pour comprendre la grande histoire et examine la pertinence des ego-documents dans l'analyse historique.

Avant-propos
(Extrait)
Yehouda Bitty

Installé au 9 rue Vauquelin, au cœur du Quartier latin, depuis plus de cent cinquante ans, le Séminaire israélite de France est l'une des plus anciennes institutions du judaïsme français. Sa vocation première est la formation des rabbins, mais son influence spirituelle et intellectuelle dépasse largement ce cadre. En effet, le Séminaire n'a pas seulement formé des ministres du culte, il a aussi été le berceau d'une réflexion religieuse profonde et un lieu de dialogue entre la tradition juive et les évolutions de la société française. Aussi, son impact s'étend à travers les générations de rabbins, d'enseignants et de cadres communautaires qu'il a inspirés en contribuant à modeler l'identité du judaïsme français moderne.

Loin de se limiter à une formation professionnelle étroite, le Séminaire a joué un rôle central dans la revitalisation des communautés juives en France, en particulier après les bouleversements majeurs du XXe siècle, notamment la Shoah, la reconstruction de la communauté juive d'après-guerre et l'exil des juifs d'Afrique du Nord.

Le fait que tous les rabbins de France aient été formés dans la même institution, où le directeur lui-même avait été élève, créa non seulement une langue commune, mais aussi un socle de valeurs partagées qui unifia le corps rabbinique. Cette uniformité du point de vue de la formation assura une cohérence et une solidarité au sein de la communauté rabbinique, et renforça ainsi son efficacité et son influence. Grâce à cette base commune, les rabbins partagèrent une même vision de leur rôle et de leurs responsabilités. Cela leur permit de collaborer plus efficacement l'un avec l'autre, et de répondre collectivement aux défis auxquels étaient confrontées les communautés juives, en particulier dans un contexte de renouveau après des périodes de crise.

Pourtant, malgré son impact significatif, l'histoire du Séminaire israélite de France reste largement méconnue. Les archives, les écrits et les témoignages qui pourraient éclairer presque deux siècles d'évolution et d'histoire de cette institution sont souvent dispersés ou inaccessibles. Cet ouvrage vise à combler cette lacune, en offrant une analyse détaillée du développement du Séminaire, en examinant ses contributions à la vie communautaire et en mettant en lumière les personnalités et les événements qui ont marqué son histoire. En réunissant ces éléments, il cherche à offrir une vue d'ensemble plus complète et plus précise de cette institution emblématique.

MÉTHODOLOGIE

La démarche méthodologique de cet ouvrage repose sur la valorisation de l'accès direct aux sources primaires, longtemps réservées à un cercle restreint d'érudits. Cette approche permet au lecteur de s'immerger dans des documents historiques variés qui offrent une perception directe des réalités vécues par ceux qui jouèrent un rôle dans l'histoire du Séminaire. L'association, au sein d'un même ouvrage, d'études de synthèse et d'analyse de ces sources directes crée, entre elles, un dialogue fécond.

Les études de synthèse replacent les documents dans un cadre historique plus large, en les contextualisant et en offrant une vue d'ensemble des évolutions. Les études d'analyse approfondissent cette réflexion, en examinant de manière critique ce qui fait la spécificité de ces sources ainsi que les enjeux qu'elles posent, et en y découvrant parfois des dynamiques complexes ou cachées. En retour, les sources directes apportent des détails concrets, des témoignages vivants et des éléments uniques qui nuancent, illustrent, voire remettent en question les théories développées par les synthèses et les analyses. Cette combinaison entre les analyses et les sources allie une vision globale et structurée à une compréhension plus fine et plus nuancée. Elle contribue ainsi à l'interprétation historique de l'institution dans toute sa complexité.

De plus, les ego-documents, c'est-à-dire les témoignages écrits à la première personne, apportent une richesse particulière à l'analyse historique, en donnant des aperçus directs sur les motivations, les émotions et les réflexions des acteurs de l'histoire du Séminaire. Ces documents personnels fournissent des indications précieuses sur les dynamiques internes au Séminaire et les interactions entre ses membres, ainsi que sur les perceptions subjectives et les expériences individuelles de ces derniers.

En prenant en considération ces récits biographiques, la micro-histoire apporte un éclairage nouveau sur la grande histoire. En réunissant ces différentes sources, cet ouvrage vise à offrir une vue d'ensemble complète et détaillée, tout en mettant en lumière les apports uniques de chaque type de source à la compréhension de l'histoire du Séminaire israélite de France.

PLAN DE L'OUVRAGE

La première partie de cet ouvrage, intitulée Études, constitue un ensemble de contributions érudites qui offrent un panorama des évolutions majeures que connut le Séminaire israélite de France ainsi que des défis auxquels il fut confronté tout au long de son histoire.

Asaf YEDIDYA explore la transition du judaïsme vers la modernité, à travers le prisme des séminaires rabbiniques qui émergèrent en Europe tout au long du XIXe siècle. Il montre comment ces institutions contribuèrent à préparer à leur tâche des rabbins capables de naviguer entre tradition et modernité, et de répondre aux défis de l'émancipation, de la sécularisation, et de la modernisation des sociétés européennes.

Yehouda BITTY s'intéresse à l'évolution des programmes académiques au sein du Séminaire israélite de France. Son étude consiste dans un examen détaillé des matières enseignées, des changements opérés dans le cursus ainsi que de l'influence des réformes pédagogiques successives. Elle met aussi en lumière l'interaction entre programme d'étude, mutation communautaire et identité professionnelle.

Yossef CHARVIT se concentre sur l'essor des sciences du judaïsme en France, au sein du Séminaire. Il montre comment cette institution joua un rôle de premier plan dans la promotion de ce savoir, de la recherche académique et de la diffusion de cette approche scientifique du judaïsme.

L'étude de Jean-Claude KUPERMINC porte sur la bibliothèque du Séminaire, trésor méconnu d'ouvrages rares et de manuscrits. Il décrit la manière dont cette collection s'est constituée, son importance pour les recherches académiques et la formation des rabbins, ainsi que les problèmes liés à sa préservation et à son expansion.

Michel ROTHÉ aborde les moments difficiles traversés par le Séminaire, pendant la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation. Il retrace les épreuves auxquelles l'institution fut confrontée. Il met en lumière les efforts qui furent fournis pour maintenir la continuité de la mission du Séminaire, malgré les événements tragiques.

Shlomo GLICKSBERG se penche sur l'histoire de l'École rabbinique d'Alger, une institution qui désirait combiner la particularité du judaïsme algérien avec le cursus professionnel du Séminaire israélite de France. Il examine la manière dont s'est créée cette école, ses missions éducatives et son importance pour la communauté juive, dans les années précédant l'indépendance algérienne.

Cette première partie éclaire donc les liens entre la formation rabbinique du Séminaire israélite de France et les transformations intellectuelles et spirituelles du judaïsme en France et en Europe.

La deuxième partie de cet ouvrage, intitulée Écrits, se compose principalement de trois études qui relatent la fondation du Séminaire en 1829, ses premières années à Metz et son transfert à Paris. Rédigées par le grand rabbin Jules BAUER, elles furent publiées, il y a près de cent ans, dans son ouvrage sur L'École rabbinique de France, le seul livre entièrement dédié, à ce jour, à l'histoire du Séminaire israélite de France. Directeur du Séminaire de 1919 à 1930, le grand-rabbin BAUER mena un travail d'historien rigoureux et enrichit son récit de détails et de citations de documents captivants. C'est pourquoi il nous a semblé essentiel de republier ces études presque dans leur intégralité.

Cette partie s'achève par deux articles parus dans la presse juive d'après-guerre : Robert SOMMER s'interroge sur les problèmes du Séminaire et l'avenir de la communauté juive ; le grand rabbin Henri SCHILLI décrit le rayonnement du judaïsme français dans le monde qui fut favorisé, notamment, par l'activité du Séminaire israélite de France.

La troisième partie de cet ouvrage présente différents Documents qui témoignent de la vie quotidienne au Séminaire durant les XIXe et XXe siècles, envisagée sous divers aspects. Contrairement aux Écrits de la section précédente que la publication destinait au grand public, ces documents étaient réservés à un cercle plus restreint d'individus, directement concernés par l'activité du Séminaire. Ils offrent ainsi un aperçu concret et authentique des réalités quotidiennes de l'institution que la perspective historique met en lumière. Ainsi, la lettre du jeune Lazare WOGUE, demandant la prolongation de ses études, révèle la détermination du futur grand rabbin qui enseigna au Séminaire pendant plus de cinquante ans. De même, les extraits du règlement général laissent entrevoir les rouages du quotidien institutionnel.

La lettre pastorale du grand rabbin ULMANN met en évidence l'inquiétude persistante face aux difficultés de recrutement, un problème qui ne fut pas résolu après cette missive. Le rapport du grand rabbin LEHMANN sur la classe préparatoire au Séminaire est riche en informations détaillées sur la structure des études au Talmud-Torah. Sa correspondance avec le comité de l'Alliance israélite universelle illustre la solidité du partenariat entre les deux institutions. Elle témoigne également de l'attention particulière que le directeur du Séminaire portait à ses élèves et de sa proximité avec eux.

La lettre de Robert SOMMER au grand rabbin LIBER, concernant le projet Pour une décade d'Éloul en 1942, constitue une preuve poignante de la résistance spirituelle durant la tourmente.
Enfin, le rapport sur les activités de l'École normale juive, rédigé par le grand rabbin SCHILLI et Erich HAUSMANN, met en lumière le dynamisme et le professionnalisme de cette entreprise intégrée au Séminaire. Il montre ainsi la complexité du rôle de chef spirituel mise en valeur par l'allocution du grand rabbin SCHILLI sur la fonction rabbinique.

La quatrième partie de cet ouvrage, Souvenirs, est dédiée à une série de récits biographiques qui offrent une perspective profondément personnelle sur la vie au Séminaire israélite de France. À travers ces textes, les auteurs partagent leurs souvenirs intimes, révélant ainsi une dimension humaine et subjective de l'histoire de l'institution.

Les récits d'Arsène DARMESTETER, du grand rabbin SIRAT et de Jacquot GRUNEWALD, anciens élèves au Séminaire, diffèrent par leur contenu, leur style littéraire et le contexte historique qu'ils évoquent. Pourtant, malgré ces différences, ces récits convergent. Ils jettent un éclairage riche et varié sur l'expérience vécue au Séminaire, en mettant en lumière l'impact de ces années sur leur parcours professionnel et la reconnaissance qu'ils éprouvent envers leurs maîtres.

De même, les souvenirs de Claude-Annie GUGENHEIM sur l'École normale juive et ceux de Jacques ARNOLD sur l'École liturgique éclairent le rôle de ces deux sections professionnelles parallèles au cursus principal destiné à la formation des rabbins. Ils montrent comment ces programmes ont insufflé un nouvel élan au Séminaire, en le mettant au service de la reconstruction communautaire après la Shoah.


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