En mémoire de
Jacques FELDBAU
80 ans après Auschwitz


Né à Strasbourg en 1914 dans une famille juive orthodoxe, d’origine germano-polonaise, Jacques Feldbau avait tous les talents : brillant mathématicien, il avait réussi l’agrégation de mathématique à 24 ans bien qu’ayant refusé de composer à l’épreuve qui se tenait un Shabath. Ses recherches en topologie et sur les espaces fibrés - parfois publiées sous le pseudonyme de "Laboureur" - ont débouché sur un théorème qui porte son nom. Par ailleurs mélomane et pianiste, il était aussi champion universitaire de brasse-papillon, capitaine de l’équipe de football Yechouroun, passionné de cyclisme et de ski….

Révolté par l’antisémitisme ambiant qui se développait à Strasbourg à partir de 1930, il fonda avec quelques amis étudiants le groupe de défense Bar Khorba, qui – entre autres - chassa un groupe d’acteurs pronazis voulant se produire au théâtre de Strasbourg, arracha le panneau "INTERDIT AUX JUIFS" cloué sur la Maison Kammerzell, se bagarra avec les jeunes fascistes traitant de youpine Mme Cécile Brunschwicg, alors ministre de l’Éducation, de passage à l’université de Strasbourg...

Officier dans l’aviation à l’automne1939, il effectue des missions depuis Tours jusqu’en juin 1940. Démobilisé, il enseigne les mathématiques, puis se replie à Clermont-Ferrand fin 1940 avec l’université de Strasbourg. Il y donne des cours, travaille à son doctorat, et participe aussi à la "Sixième EIF" (organisme de résistance des Eclaireurs Israélites).

Arrêté à Clermont lors de la "rafle de la Gallia" du 24 juin 1943, Jacques Feldbau est déporté le 7 octobre 1943 dans le convoi N° 60 pour Auschwitz. Ses camarades d’infortune ont unanimement attesté de son courage, et de sa solidarité à l’égard des autres déportés. Il parvint finalement à se faire nommer secrétaire de l’infirmerie du camp d’extermination, ce qui lui permettra de réconforter d’innombrables compagnons de misère. Pour oublier la faim, le froid, et les souffrances quotidiennes, il organisa des cours de mathématiques le dimanche après-midi ; cours auxquels participa notamment Jean Samuel.

En janvier 1945, lors de l’évacuation du camp d’Auschwitz, il est l’un des milliers cheminant en haillons, dans la neige, par une température sibérienne. Il mourra d’épuisement le 22 avril 1945, près du camp de Ganacker. Ses camarades le porteront jusqu’au camp sur une civière de branchage. Ils ont témoigné que leur ami avait alors un léger sourire sur les lèvres...

Jacques, le chagrin inextinguible de ta soeur, notre mère, Ruth-Jeanne Felbbau- épouse de Robert Debré - continue à sourdre en nous quatre-vingt ans plus tard. Mais c’est à ton dernier sourire que nous voulons penser : sourire de suprême dédain à l’égard de tes bourreaux, mais aussi - et surtout - sourire de foi profonde et invincible.

Ta nièce et ton neveu, tes seuls descendants : Joëlle et Jacques DEBRÉ

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