ISBN 978-2-9529223-0-2 524 pages ; 35 euros TTC Diffusion : Jean Camille BLOCH, éditeur CLIQUEZ ICI POUR ACHETER LE LIVRE |
"Chaque mort laisse un petit bien, sa mémoire, et
demande qu'on la soigne" disait Jules Michelet. Pour
lui, comme pour tous ceux qui aujourd'hui étudient les documents
et témoignages surgissant de notre passé, le devoir de l'historien
est de "donner assistance aux morts trop oubliés".
C'est la tâche que s'est assignée Jean Camille Bloch,
avec son ouvrage Juifs des Vosges 1940-1944 – 1 200 martyrs presque
oubliés. En rassemblant minutieusement une masse d'archives
et de souvenirs familiaux, il fait œuvre mémorielle et apporte
du même coup une contribution essentielle et inédite à
l'Histoire des Vosges.
Installée dans les Vosges à partir de 1773 et y démontrant
aussitôt sa finesse, son goût du travail et d'entreprendre,
la communauté juive, forte de 1 500 âmes, fait don à la
France de nombreux industriels, de commerçants et d'intellectuels
dont trois éminents sociologues : Émile Durkheim, Marcel Mauss
et Raymond Aron. Avec l'ouvrage de Jean Camille Bloch, on mesure l'horrible
épreuve qu'elle a subie entre 1940 et 1944 au cœur d'un
siècle de haines raciales et sociales.
Nul ne pourra désormais ignorer le calvaire qui fut le sien : recensement,
marquage des commerces, port de l'étoile jaune, spoliations,
arrestations, rafles et déportations. Entre 1942 et 1944, 1 223 juifs
furent arrêtés dans les Vosges, enfants, femmes et vieillards
compris, et rares ceux qui survécurent. En lisant Jean Camille Bloch,
nul ne pourra oublier l'abominable machination que fut le camp de transit
de Vittel, où furent tournés des films de propagande nazis dans
le cadre cossu des palaces… avant que les trains quittent la station
pour Auschwitz.
Chez Bloch, pas de littérature larmoyante, pas de propos inutilement
compassionnels, mais des faits, des chiffres, une étude aux sources
vérifiables et vérifiées, une description de l'implacable
mécanique d'extermination mise en œuvre par l'occupant
nazi. L'émotion n'en est que plus forte. C'était
il y a un demi-siècle, c'était hier. Chez nous.
Je tiens à saluer ici la contribution de Jean Camille Bloch. Avec les
ouvrages d'Albert Fah qui dressa il y a quelques années le martyrologe
des déportés et résistants vosgiens, le sien éclaire
et complète la somme des crimes et des horreurs du siècle passé.
Puissent ces livres œuvrer à la construction et à la transmission,
douloureuses, d'une mémoire vosgienne. C'est le socle indispensable
de notre identité, de notre destin commun.
Plan de l'ouvrage (abrégé)
Première Partie – Le Processus d'Élimination
Deuxième Partie – Le Martyrologe
Extraits du livre
I.3. Marquage – Humiliation
Parallèlement
au repérage et à la localisation des juifs, la stratégie
des Allemands consiste à les désigner aux yeux des autres citoyens
comme les responsables de tous les malheurs de la France et du monde.Trois mesures discriminatoires et humiliantes, initiées par l'administration allemande, sont mises en œuvre avec sévérité par le gouvernement de Vichy.
I.3.1. Marquage des commerces juifs
Dès le 27 septembre 1940, le marquage des commerces juifs est ordonné par l'occupant. Il entre en application dans les Vosges, dès la mi-octobre 1940. Le commandant MEIXNER précise, par lettre du 16 octobre 1940, adressée au préfet des Vosges : "La désignation d'affaires juives, qui doit, en première ligne, englober tous les magasins de vente et hôtels, restaurants, cafés, se fait par la pose d'affiches à l'intérieur de chaque devanture (si celles-ci n'existent pas, à d'autres endroits bien visibles)."
I.4. Précarisation - Spoliation
Au total, nous avons répertorié 663 dossiers de biens.
Seuls 561 dossiers sont identifiés par un administrateur provisoire
responsable, représentant en valeur 86,7 % des dossiers répertoriés,
soit environ 150 millions de francs de l'époque (41,2 millions d'euros). Les biens mis entre les mains des administrateurs provisoires se répartissent comme suit, par nature :
Les administrateurs provisoires sont cités par ordre d'importance décroissante du montant des biens à spolier.
I. 5. Bilan des arrestations dans les Vosges
1 223 personnes juives, au minimum, ont fait
l'objet d'une arrestation.
115 personnes échappent de très peu à la mort, soit en réussissant à s'échapper, soit en bénéficiant de la libération des camps d'Écrouves et de Vittel, par les troupes alliées. 8 personnes survivront, par miracle, aux camps d'extermination.
I.8. Le camp de Vittel
I.8.5. Les Juifs polonais du camp de Vittel (extrait)
(rescapés et combattants de Varsovie et Lodz)
II. 1. Le martyrologe des Juifs des Vosges (extraits)
Plus de 1200 noms
II. Témoignages (extraits)
Témoignage inédit d'un réfugié
de Housseras,
"Nous vivions à Courcelles-Chaussy dans la banlieue de Metz, quand
il fallut prendre le chemin de l'exil.Monsieur Jean-Claude WORMS le 22 janvier 2007 Mon père, qui était marchand de chevaux, avait été fait prisonnier et nous sommes partis sans lui, maman, mon grand-père Adolphe LÉVY, ma grand-mère Rose née MEYER, ma tante Yvonne LÉVY, et moi. Papa, qui avant guerre commerçait avec Monsieur CERF de Rambervillers, nous avait réservé, sur les conseils de ce dernier, pour le cas où ce serait nécessaire, une petite maison abandonnée dans un village retiré des Vosges où nous serions en sécurité, à Housseras. A l'époque, les adultes de ma famille étaient persuadés que les Allemands n'iraient pas plus loin que la Moselle… Personne n'ayant le permis de conduire, tante Yvonne pris le volant, un voisin lui enclencha la 2ème vitesse et nous avons effectué les 170 kms qui nous séparaient d'Housseras sans jamais changer de vitesse, ne serait-ce qu'une seule fois… Jusqu'à l'arrestation de ma famille, je ne garde que de bons souvenirs d'Housseras. Nous avons été bien accueillis par la population de ce village paisible de bûcherons et d'agriculteurs. La famille CONRAD, à qui appartenait la maison où nous logions, était aux petits soins avec nous, bien que connaissant notre situation. Tous les habitants étaient sympathiques et, malgré les restrictions, nous ne manquions de rien d'essentiel, sauf de la présence de mon père dont nous avions appris l'évasion. J'avais à peine 7 ans, le 14 mars 1944 au matin, lorsque maman, je ne sais par quelle prémonition, me mit sur sa bicyclette pour aller faire quelques emplettes à Rambervillers à 8 kms d'Housseras. Au retour, dès les premières maisons d'Housseras, les villageois nous avertirent que les Allemands, accompagnés de gendarmes français, avaient effectué une rafle dans le village. Nous nous sommes précipités dans notre maison, elle était vide, mes grands-parents, ainsi que tante Yvonne, avaient été arrêtés et conduits au camp d'Écrouves. Ils furent internés deux semaines à Écrouves, affectés à la fabrication de matelas. Nous le savons car ils ont pu nous faire parvenir une lettre. Le 30 mars, ils quittèrent Écrouves pour le camp de Drancy où ils restèrent également deux semaines avant d'être dirigés sur Auschwitz, par le convoi numéro 71 du 13 avril 1944, qui arriva à Auschwitz le 16 avril. Nous ne les avons jamais revus. Une longue errance commença alors pour maman et moi. Papa réussit à nous retrouver et nous nous sommes installés à Flacé-les-Mâcon (Saône-et-Loire) où mon père loua une petite maison de campagne. Ce que nous ignorions c'est qu'elle appartenait à un dignitaire de la milice de Lyon. Lorsque ce dernier fut prévenu qu'il hébergeait des juifs, nous avons du fuir devant la gestapo qui recherchait mon père. Papa dût, pour s'échapper et nous protéger, tuer une sentinelle allemande, ce qui aggrava encore notre situation. Nous avons passé des semaines allant de ferme en ferme, mon père qui était un homme de la campagne, se liait naturellement avec les éleveurs. Notre fuite nous amena à Claveyson dans la Drôme, où les habitants de Courcelles-Chaussy avaient été évacués. Nous y avons retrouvé le curé de notre village, l'abbé AMAN, qui exerçait les fonctions de secrétaire de mairie. Cet homme de courage et de cœur qui connaissait parfaitement nos convictions, nous établit de fausses cartes d'identité au nom de MANGIN. C'est ainsi, sous de faux noms, que nous avant attendu la libération dans un petit village de Saône-et-Loire à La Salle. Mon père étant activement recherché, il est certain que le curé AMAN nous sauva la vie. J'ai tenté d'obtenir pour lui la reconnaissance de "Juste parmi les Nations", mais, malheureusement, je suis à présent le seul témoin survivant et ce n'est pas suffisant pour étayer le dossier de demande pour cette distinction. C'est avec difficulté et le cœur empli de chagrin, malgré les années, que je vous livre mon témoignage."
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