La Synagogue Adath Yechouroun


La synagogue "Adath Yechouroun" se trouve à côté de la Grande Synagogue, au rez-de-chaussée d'un bâtiment voisin qui abrite le Home Israélite. Il faut rappeler que ce bâtiment était l'École Rabbinique de France qui fut transférée à Paris en 1859. Certains se rappelleront peut-être qu'au premier étage du Home étaient célébrés les offices : l'arche sainte y est encore visible à l'extérieur du bâtiment.

La synagogue "Adath Yechouroun", dite "Synagogue Polonaise" a été fondée en 1912 par quelques familles de juifs émigrants d'Europe de l'Est. Ces familles d'origine polonaise ou galicienne (sept en tout) se trouvaient à Metz depuis le début du 19ème siècle. Dans ce petit groupe vivait un homme très pieux, Mosche Bleitrach, qui par la suite est devenu le patriarche de cette nouvelle communauté.

Avant la seconde guerre mondiale il y avait cinq offices dont les Chomré Schabath. La guerre a décimé un tiers des membres de la communauté. La synagogue a repris ses fonctions en 1946 ; une plaque commémorative rappelle les noms de ceux qui ne sont pas revenus.

Cette schule est encore en activité de nos jours. Elle est de rite Sfard ('hassidique). Elle est dirigée spirituellement par Monsieur le Rav Bamberger également Dayan (juge rabbinique) du département de la Moselle. Monsieur Henry Schumann en est à la fois le Parness et le Gabai.

Source : Henry SCHUMANN ; Mémoire des communautés juives de Moselle, Ed. Serpenoise


"Addass" Réminiscences...
Une page, ouverte au hasard, de l'album... des souvenirs, du Livre des ... Choses d'Hier
5 juillet 2004

Yom Tow Jour de de Fête : La Shîle Addass Yéshirine - rebaptisée ultérieurement plus....bourgeoisement... Shoule Adass Yéshouroun, avant d'être chirurgicalement et trivialement amputée en .. l’Adass.... (De malicieux historiens noteront,peut-être un jour qu'elle fut aussi appelée la synagogue des Polonais.. voire des .. Pollaks.....à tort, du reste, car bon nombre de ses fidèles, originaires de Galicie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie.... brandissaient fièrement leur nationalité française...! )

La Shîle, donc, se remplit rapidement, d'abord par la cour . Elle fait fonction de "parloir" - préventif de bavardages au cours des offices - avant d'être livrée aux jeux des plus jeunes.
La salle même aux murs décorés - eh oui - de larges peintures buccolico-bibliques, lui donnant l'impression de grand volume, est pleine dès le début des offices.

Au premier banc, à droite de l'Arone Kodesh, le Rouv Heiselbek avec à sa gauche le Rouv Kahlenberg, toujours à échanger savants commentaires talmudiques, malgré les les "Chââ ! Chââ !" et les regards réprobateurs des Gaboïm. A côté, le Hazan Landau au visage style Théodore Hertzl (lehavdil !) et à la magnifique voix de baryton.
Suivent : Mr Bergmann, officiant volontiers en tonalité hongroise, Mr Tuchmann, le doigt sur son livre de prières, Shyélè Hauben, qui adore accompagner en sourdine les morceaux "musicaux" des offices, Mr Wishnia, tout sourire bienveillant, au davenen comme dans son épicerie..etc..... et .. parmi d'autres, les Mendel Flammer, Moïché Tennenbaum, Sternberg Schumann.... etc..

Tous, véritables personnages de romans - au meilleur sens du terme - figures uniques, dont l'histoire personnelle de chacun, a été souvent incidentée, dramatique. Et tous, nourris et pénétrés du Savoir Ancestral, recueilli au foyer familial et dans les yechivoth...
A gauche de l'arone : "les notabilités civiles" occupent les premiers rangs. Respectables et respectées : industriels, riches négociants, hommes d'affaires : les Furman, Mendel Banda, Heger, Moshé Kraemer, Wang, Shraub...etc.. tous traditionnellement éduqués à donner la meilleure utilisation à leur argent, pour soutenir, au grand jour, la Communauté, mais, très discrètement les malheureux. !

Au fond de la synagogue, adossés au mur séparant la salle des dames, siège autour d'une longue table un autre groupe d'affinités, Tous liés de bonne camaraderie fraternelle, et bons connaisseurs des Ecritures, mais un peu plus portés au bavardage et plaisanteries... les Zanger, Fabricant, Rosenbaum ( le "hoï'her" plus prompt à plaisanter que son frère Haïm... le Shoïheth Zellerkraut, au roux quasi florentin, le vénérable Wasser au port majestueux,.. etc..

Sur la bimah, les gaboïm Lilienbaum, Rottenberg, Braaf, Tanné, Wurm.
De cette galerie historique il faudrait les décrire tous, individuellement, avec leur biographie si incidentée, - comme ce brave Czop montrant la blessure reçue jadis du sabre d'un cosaque traversant au galop sa bourgade natale.. ou l'érudit Moïshè Tannenbaum contant ses rencontres avec d'illustres Rèbbès dans son Pcheworsk natal ... ou encore, Boxer, l'autre épicier, venant clamer livre en main,auprès du Rouv, sa propre interprétation d'un passage, contredisant x ou y ...etc.. Leur profonde Yiddishkeit ( intraduisible) se traduit par une certaine sagesse de vie, dans les vicissitudes du quotidien.

Le sigle z"l accompagne, hélas, tous ces noms !

Il arrive qu'à l'occasion d'une fête, le grand rabbin Netter, invité, ou tenant à rappeler son autorité... fasse une entrée solennelle dans la Shîle. Il y apporte sa brillante et magistrale éloquence germanique aux Ost Juden lesquels, peinent parfois à saisir les subtilités de la langue de Goethe...

Le rav Heiselbek suivi du grand rabbin Roger Kahn

Les jours de fête comportent (on est Français ! ou espérant le devenir ? ou les enfants le sont ...) la récitation publique de la Prière pour la République. Morceau difficile. Moment délicat... ! car si les passages du rituel en hébreu, même en araméen, sont connus, même par coeur, depuis l'enfance, il n'en va as de même avec ce texte, en français, qui plus est, emphatique et solennel. Et le Rouv Heiselbek - parfois le Rouv Kahlenberg - naviguent, éperdus, entre ces perfides récifs de la langue de Racine

Les offices sont parfois rehaussés par la venue de tel Chantre : par exemple du "hazane" Bakone, de réputation mondiale, accompagné de ses enfants lui servant de magnifique chœur (1). Un office ordinaire devient un grandiose festival.

Dernière semaine avant Rosh hashana

Dans le quartier juif de ces années trente - des années 1930 convient-il de préciser, à l'adresse de nos jeunes ! Afin qu'à leurs yeux cette période ne vienne pas se fondre dans un brumeux et lointain passé aux relents .... paléolithiques..

Donc dans ce quartier juif cerclant cette rue qui est encore "rue de l'Arsenal", une ambiance lourde et grave s'établit. Dans les dernières heures de la nuit, des groupes frileux se dirigent vers la Shîle pour ces offices impressionnants des Selihoth.

Certains ont revêtu leur Kittel. Une atmosphère étrange s'installe et au fil des prières, l'émotion suscite de lourds soupirs, et, du côté des dames (car un petit nombre y assiste toujours) s'élèvent d'émouvants sanglots.

Une année, un vénérable Rèbbè (hassidique) de passage à Metz fut invité à dire les Selihoth d'une des nuits. C'était un petit bonhomme, âgé, voûté, sans aucun talent vocal. Mais... au fur et à mesure qu'il cantilait ces complaintes, entrecoupées de ses pleurs, l'intensité de sa ferveur s'empara de l'assistance et des hommes - certains un peu sceptiques au départ - se mirent à sangloter, au diapason de ce qui s'élevait de la salle des dames ... !

Veille de Kippour.

Les volailles, victimes, le matin, du haliff tranchant du Shoheth Landau z"l, parfument, en fin de joumée, le bouillon aux krepplech de l'ultime repas.

Le trottoir de la rue de l'Arsenal devient un Vestibule du Temple. On y voit s'acheminer, lentement, gravement, des groupes divers : BaaléBatim - bourgeois en frac et chapeaux hauts de forme, hé oui - d'autres en redingote noire et chapeaux- melon... ou en longs cafetans noirs et feutres. On échange, non plus de banals bavardages mais des souhaits et bénédictions sur l'heureuse issue de la Solennelle inquiétante journée à affronter

A l'intérieur, la shoule est surchauffée, physiquement - par de nombreuses bougies pieusement allumées - et psychologiquement, par la tension grandissante des uns et des autres. L'énervement... conduit à de petits affrontements clochemerlesques !.. "Shaïguets ! dèrekh erets ! !" et autres gentillesses proférées sans malice et regrettées en frappant sa coulpe une heure plus tard Al 'hèth....

Quelques aînés enfilent leur Kittel, dissimulent le visage tout entier sous le Talith et s'isolent dans les méditations pieuses précédant l'Office.

Dans la salle des dames, mêmes émotions, frémissements pieuse concentration aux premiers bancs, où soupirent déjà les rébbètsen Heiselbek, Kahlenberg, la "mîmè Reisel" Eilstein, les pieuses dames Wasser, Bergman, Tannenbaum..etc... et tant d'autres merveilleux tableaux de l'exemplaire femme juive traditionnelle.... Des rangées arrière s'élèvent les habituels clameurs litigieuses, contestataires de préséance, de réservation de place ! ....

Tout à coup... silence. Ouverture de l'Arche Sainte. Le Rouv Heiselbek (c'est lui qui, le plus souvent, ouvre et clôt Kippour) (2) entonne l'envoutante antique mélopée du Kol Nidrei, accompagné en sourdine par toute l'assistance... (3)

Les.. neiges d'antan... ont fondus depuis longtemps... mais.. reste indélébile et instructive l'ambiance colorée, riche, chaleureuse, pieuse et authentique des jours vécus dans l' Addass Yechouroun.

Lexique

  • Al 'hèth : "pour le péché", premier mot de la confession prononcée à Yom Kipour
  • Arone Kodesh : arche sainte, qui contient les rouleaux de la Torah
  • BaaléBatim : chefs de familles
  • Bimah : estrade où se tient le rabbin et le ministre officiant
  • Gabaï (pl. gaboïm) : bedeau (x)
  • Haliff : couteau
  • Hazan : chantre, ministre officiant
  • Kittel : vêtement mortuaire
  • Kol Nidrei : office de la veille de Yom Kipour
  • Lehavdil ! : en faisant toute la différence
  • Ost Juden : Juifs de l'Est
  • Parness : président
  • Rébbètsen : épouse de rabbin
  • Rouv, Rebbe : rabbin
  • Shaïguets ! dèrekh erets ! : Silence ! Tenez-vous comme il faut !
  • Shîle ou Schule ou Shoule : synagogue
  • Shoïheth : boucher, sacrificateur rituel
  • Talith : châle de prières
  • Yechivoth : écoles talmudiques
  • Yiddishkeit : connaissance du judaïsme
  • z"l : initiales de "zikhrono livrakha", "que sa mémoire soit bénie"

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du centenaire de l'Adath Yechouroun (.PDF)

Notes :

  1. Malheureusement le hazane Bakone et ses garçons disparurent dans l'enfer nazi ....
  2. Parfois, sollicité dans une autre synagogue, c'est alors le Hazan et Shoheth Landau qui ouvre Kol Nidrei.
  3. La quasi totalité des fréquentateurs de la Shîle , étaient profondément imprégnés de culture juive, ( alors qu'ils ignoraient même le terme), possédaient une solide connaissance de nos Textes, et ils étaient tout à fait aptes à conduire les offices religieux.


© A . S . I . J . A .