La colo de Moosch : Etre et avoir été trois étés
Le hasard avait trop bien fait les choses : comment ne pas relever, d'abord,
que la "colo de Moosch" avait pendant trois années consécutives,
trois directrices avec le même nom : Cohn et Kohn. Deux d'entre elles
avaient dû pousser le souci jusqu'à confondre leurs prénoms
: Marguerite et "Margot". "Elles ont dû
" parce
que les lignes qui suivent ne tentent pas de recherche.
Michel Rothé,
le maître de ces lieux m'a demandé mes souvenirs. Seulement mes
"souvenirs"
Alors voici.
Les Cohn et les Kohn. Les bonheurs d'été, les Vosges sous l'orage, l'apprentissage de l'éducateur, les invasions de hannetons (en plein mois d'août! Ce n'étaient peut-être pas des hannetons, mais les volatiles ressemblaient comme des frères ou des soeurs aux lourdes et peu merveilleuses machines volantes de mai). Et les vacherins! Dans une auberge voisine, le soir, quand la colo dormait. La fameuse madeleine devait être bien fade comparée au goût délicieusement fruité de ces boules rouges et blondes, vertes comme le pistache n'a jamais été (mais ça je ne l'apprendrai qu'en Israël) avec les fleuves de crème fraîche sur les icebergs de meringues fondantes. C'était avant que les E 335, 336 , les 422, les 470 et autres sournoises nomenclatures des listes de cachrouth ne pénètrent les Vosges et ne chagrinent les rabbins de France.
Moi, je venais de
Limoges, tout juste âgé de 16 ans, expédié
pour deux longs mois dans les sommets d'Alsace, sur recommandation d'un médecin
qui voulait le bonheur de mes poumons. Et sur recommandation de ce vieil ami
de mes parents,
Bô
Cohn (il savait par coeur ma date de naissance comme celles de dizaines
d'autres enfants dont il avait eu la charge morale et quelquefois physique pendant
les années de guerre). 16 ans! Pas encore mono et trop vieux pour être
colon. C'est ainsi que je fis connaissance du monde des chefs dans cette
jolie maison en plein village, mais bordée de terrains de jeux, sous
l'égide d'une association qui, je crois, dépendait des Juifs du
Haut-Rhin, et qui s'appelait "L'Abri" comme la colo. Je fis
l'apprentissage de mono sur le tas et c'est là (et plus tard dans les
camps de
Yechouroun) que j'acquis cette conviction que l'effort d'éducation
de la communauté juive devait essentiellement porter sur la période
des vacances, quand les jeunes étaient disponibles.
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| De g. à dr. : Selma Dreyfus (Ouziel)
- ? - Gilbert? - Eva Goldschmidt - Mme Cohn-Bendit |
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J. Grunewald en 3ème position en haut à gauche |
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Moosh - Josy Samuel et ses enfants, Benno Gross
et le père de J. Grunewald |
On devait être en 1950 si l'addition des ans que je viens de tenter
sans calculette est exacte. Et je risque de confondre cet été
avec ceux de 51 et 52, également passés à Moosch. Ce dont
je suis sûr cependant, c'est que la première de mes colos était
dirigée par
Mme Margot Cohn. Elle est toujours bibliothécaire
aguerrie et archiviste des papiers de Martin Buber, à Jérusalem.
Elle était l'épouse de Bô. Les enfants de Bô et de
Margot Cohn étaient intégrés à la colo. L'un des
petits garçons quel pouvait être son prénom ?
disait ce qu'il voulait en pleurant. J'ai dû lui chanter un refrain de
ce temps-là : "Un homme ça ne pleure pas
Un homme c'est
plus dur que ça !" Bêtises.
Je me rappelle bien les nom et prénom d'un autre enfant de directrice.
Daniel Cohn-Bendit, l'été d'après. Tout frêle, rouquin
et d'une vivacité qui marquera le jeune moniteur que j'étais devenu.
D'une grande vivacité ! Un jour, la troupe revenant de balade, rentrant
au bercail en marchant sur le côté gauche de la route, comme il
se devait, Dani (je n'aurais pas usé alors de la terminale Y) s'échappa
du rang pour traverser l'asphalte et rejoindre la colo. J'eus le réflexe
de l'agripper juste avant le passage d'une traction avant. Et c'est ainsi que
le Parlement Européen me doit l'un de ses plus brillants députés.
Il y a avait aussi son frère Gabriel, plus âgé. Mme Cohn-Bendit
était économe à l'école Maïmonide. J'ai gardé
d'elle le souvenir d'une femme bien. Energique, riante. Peu concernée
par la théologie. Elle nous parlait de son mari, avocat en Allemagne
qui s'occupait de
Wiedergutmachung [Réparations]. Ancrage qui explique celui de Dany
le Rouge.
Mme Cohn-Bendit à la fenêtre
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Une partie des colons venaient, cette fois, des
maisons de l'OSE. Souvent des
jeunes sans parents, ou dont la garde parentale posait problème. Séquelles
de la guerre et des camps. Plusieurs de ces jeunes étaient plus âgés
que moi. Autre apprentissage. Certains enfants savaient à peine le français.
Je me rappelle plus particulièrement l'un d'eux, qui souffrait d'une
maladie musculaire. Gentil gosse, un peu perdu. Un jour, il sortit tout effrayé
de l'infirmerie, parce qu'il avait, me dit-il, une "gueule de lion".
Si, si... il n'en démordait pas. Renseignements pris chez Rachel elle
avait diagnotiqué "des ganglions". Rachel, l'infirmière
était une chic fille. Perdu le contact. Un surfeur saurait-il ce qu'elle
est devenue? Il y avait aussi, Gilbert, le moniteur, cadre plus tard dans les
centres communautaires et que j'ai dû revoir lors d'une passage à
Toulouse. Dina, elle, la discrète et fine Dina Madar, plus tard infirmière
à l'école Lucien de Hirsch, succombera à la maladie. En
1994 ou 1995.
C'est à Moosch que j'ai fait connaissance avec Colmar, je veux parler
des enfants et des monitrices de Colmar, de Mulhouse et bien sûr de Mulhouse-Dornach.
Les Samuel, les Rothé, les Furth, les Schwob
J'en passe sans doute,
que les meilleurs me pardonnent. J'allais revoir plusieurs d'entre eux, ou plutôt
leurs jeunes frères ou soeurs, une dizaine d'années plus tard
au
Talmud-Tora de Mulhouse et plus tard encore, pères, mères ou
grands-parents
à Jérusalem.
Je ne pense pas me tromper excessivement le fait devrait intéresser
les sociologues ou les historiens en notant que la majorité des
monitrices d'alors sont restées souriantes en ce début du second
millénaire, et se sont installées en Israël ou s'y rendent régulièrement
: Françoise Schwab (Azoulay) à Ashkelon, les soeurs Picard, Claude
(Sberro) et Lucile (Deutsch) à Jérusalem, comme Mady Touati (
Oren),
Esther Suskind (Feit),
Nicole Hirsch (Goetschel), Selma Dreikurs (Ouziel).
Eve ex-Goldschmidt habite ailleurs dans le pays. Que me pardonnent ceux ou celles
que je n'ai pas revus depuis et dont je risque de mal citer les noms.
Troisième été sous la direction de Marguerite Kohn. Elle venait de l'Ecole Yabné où elle était secrétaire de direction. Sa fille Danièle était à la fois directrice et fiancée du jeune rabbin Schlammé. Je l'ai revue il y a deux ans et j'étais tout heureux de la voir aussi enjouée qu'elle fut naguère. Mme Kohn était veuve. Moulou, comme ses amis appelaient son mari, n'était pas revenu de déportation. Elle sut élever, seule, ses cinq enfants qui, tous, ont bien mérité du judaïsme.
Voilà, en vrac
Témoignages
on line. Avec pour finir, une pensée pour la belle
synagogue de Thann. A chaque session, son président et les quelques fidèles qui restaient dans la petite ville vosgienne, accueillaient gentiment la colo.
Ah la jolie colonie de vacances, merci les Cohn, merci les Kohn
Photographies : Coll. Jacquot Grunewald et Michel Grimberg, Coll. Mady Oren
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