Marcel DAVID
‘Haver Mordechaï Bar Yaacov
1895 - 1988
par Francis DAVID son petit-fils, avec l’aide indispensable d'André DAVID son fils


Monsieur Marcel David est né dans une famille pratiquante le 4 juillet 1895 à Insming (Moselle), communauté rurale où est né son père en 1865, son grand-père en 1820 ; ses ancêtres étaient établis dans cette région depuis fort longtemps, comme en atteste le relevé des tombes du cimetière de Hellimer où reposent tous ses aïeux depuis 1734 !

A l’âge de 13 ans, il entre à l’école préparatoire israélite de Burgpreppach en Bavière et ensuite achève ses études de 1912 à 1915 à l’école normale d’instituteur de Würzburg (Allemagne). Il y obtient les diplômes d’aptitude à l’enseignement général et religieux, ainsi que celui de ministre officiant.

Mobilisé, comme tous les Alsaciens-Lorrains, il fait partie d’une unité combattante de 1915 à 1918. En fait il n’a jamais tenu une arme dans ses mains car en tant que Schulmeister, il avait été nommé Feldwebel, c’est-à-dire Lieutenant, et affecté dans une administration, ce qui ne l'empêchera pas d’être blessé dans une attaque et donc titulaire de la Croix de Fer.
A la fin de la guerre et ses études terminées le voilà donc à la fois instituteur et ‘hazan.

Il débute dès sa démobilisation en 1919 sa carrière de ‘hazan à Buding (Moselle) et il est simultanément nommé maître d’instruction religieuse au Lycée et à l’école supérieure de jeunes filles de Thionville.

En 1920, il est invité par la communauté de Hayange pour célébrer un office de vendredi soir lors d’une audition. La légende familiale dit que les fidèles présents à cet office avaient été sous le charme de sa belle voix de ténor et admiratifs de la conduite respectueuse de l’office.
A tel point que suite à cette audition et dès la fin du Kiddouch, Monsieur Marcel David est d’emblée engagé comme ‘hazan au poste de Hayange pour remplacer son prédécesseur qui avait exercé cette fonction depuis 1880, soit pendant quarante ans, et qui, de façon tout à fait singulière, n’avait été autre que mon arrière-grand-père maternel, Mr Lazard MARX.

A Hayange, Monsieur Marcel David exerce également les fonctions de vérificateur puis Inspecteur Principal des viandes, rétribué par la ville de Hayange, ce qui lui permettra également d’être responsable de la She’hita pour sa communauté.

En 1921 il épouse Hélène KLEIN originaire d’Ingwiller. Ils auront deux enfants : André, mon père né en 1924 et Jacqueline, ma tante née en 1927.

Avant la deuxième guerre mondiale, la communauté de Hayange est florissante avec une centaine de familles et 35 élèves répartis en trois classes au ‘Heder. C’est ainsi que sur les bancs du Talmud Torah seront formés plusieurs générations dont certaines personnalités deviendront plus tard des Talmidei ‘Hakhamim, tel que Roger Cahen, Rav Guerschon, le père de "Miquette" et donc le beau-père de Rav Bamberger et qui fut fondateur et directeur de la Yeshiva d’Aix les Bains. Tous deux conserveront jusqu’à la mort de mon grand-père des liens d’affection et de complicité très forts. Je citerai également André Cahen, son frère, ainsi que Daniel Roos, le fils de Merry récemment décédée, et qui m’a appris avec émotion le jour des obsèques de sa mère qu’il venait d’être nommé Rav.

En 1932, Monsieur David crée une chorale d’enfants qui regroupe une vingtaine d’élèves du ‘Heder, avec la complicité musicale des frères Wormser, Paul à l’harmonium et Robert au violon, qui deviendra plus tard président de la communauté.

1938: les nuages s’amoncellent : il est mobilisé au Centre de Censure Postale à la Poste de Metz du fait de ses grandes connaissances en allemand, en hébreu et en yiddish. Il n'obtient pas de permission pour les grandes fêtes de Roch Hachana et c’est son fils André qui sonne le Chofar dans une synagogue bondée. En 1939 les choses se passent de la même manière.

Jubilé de Marcel DAVID, Hayange - juin 1970
1. René Lévy, président du Consistoire de la Moselle, président de la communauté de Thionville
2. Roger Kahn, grand rabbin de la Moselle et de la communauté de Metz
3. Marcel David - 4. Pinkas Kahlenberg - 5. Roger Cahen "rav Guershon", Yeshiva d'Aix-les-Bains
6. Jules Lévy, président de la communauté de Hayange

1940 : La guerre. Il fait partir sa famille à Crest dans la Drôme où est installée l’une de ses belles-sœurs. Il les rejoindra en juillet après avoir continué à exercer ses fonctions de vérificateur des viandes dans des conditions de sécurité de plus en plus difficiles lorsque les Allemands arrivent à Hayange. C’est ainsi qu’un officier supérieur autrichien se rend à l'abattoir pour prévenir mon grand-père qu’un vétérinaire très antisémite et dangereux va arriver et qu’il est prudent pour lui de partir sans délai.Il réussit à obtenir un Ausweiss mais, trop tard... ce vétérinaire est déjà là... Il fait mettre mon grand-père au garde-à-vous, lui arrache brutalement sa casquette, la jette par terre dans le sang qui jonche le sol, la piétine comme un enragé et dit : Von heute ab,erlaube ich nicht mehr, dass ein vertreter der nicht aryanische rasse fleich besuldet ” ! :
A ce jour je ne tolérerai plus qu’un représentant de la race non aryenne salope la viande !
Blême, mon grand-père reste pétrifié et celui qui n’avait jamais voulu quitter son poste par conscience professionnelle doit se résoudre à partir pour rejoindre les siens dans la Drôme, ce qu’il fera le 18 juillet 1940. Il refuse les allocations aux réfugiés et trouve un emploi à 10 km dans une usine de papeterie. Le propriétaire est le maire du village et au bout de quelques semaines il lui confie toutes les clés de son entreprise. Pendant quatre ans il fera tous les jours, sauf Chabbat et Fêtes les 30 km à bicyclette pour se rendre à son travail.

1945 : La guerre est finie : Retour à Hayange mais malheureusement beaucoup de hayangeois ne revinrent pas des camps. Mon grand-père reprend ses activités professionnelles, tant de vérificateur des viandes à l’abattoir, que de ministre officiant et de maître du Talmud Thora lors de la reconstitution de la communauté. Les offices reprennent dans l’arrière-boutique du magasin de chaussures tenu par Mr Simon Michel, et qu’il célèbre de façon assidue.

Certains airs liturgiques de Monsieur David ont été transmis aux enfants Bamberger par l’intermédiaire de Rav Guershon, leur grand-père, et résonnent encore à ce jour dans certaines synagogues en Israël.

En 1957 est célébrée dans une salle comble l’inauguration solennelle de la nouvelle synagogue de Hayange avec la participation exceptionnelle de Pinkas Kahlenberg, premier ‘hazan de Bruxelles, l’ancienne synagogue ayant été incendiée par les nazis.

En raison de ses mérites pédagogiques, M. David obtient en 1963, la distinction de chevalier dans le l’ordre des palmes académiques et en 1971, il est élevé à la dignité d’officier de cet ordre.

En 1978, au cours d’une émouvante cérémonie, Monsieur Ouaknin, grand rabbin de la Moselle, lui remit le diplôme de ‘Haver, distinction largement méritée par l’exercice sans faille d’un sacerdoce bien rempli.
Il célèbrera son dernier office en pour les fêtes de ‘Hanouka en 1986 à 91 ans. Son épouse, ma grand-mère, décède la même année. Il est alors accueilli chez sa fille Jacqueline et son gendre le docteur Léon Ber,où il décédera le 9 Sivan 1988 à l’âge de 93 ans.

Son fils André a pris le relai de ‘hazan dès 1986 et a le mérite d’assurer encore à ce jour, à l’approche de ses 102 ans, la gestion administrative de cette si belle communauté de Hayange, aujourd’hui malheureusement éteinte depuis déjà quelques années. À l’instar de son père, il a été nommé ‘Haver en 2018 par Monsieur Bruno Fiszon, grand rabbin de Metz et de la Moselle.

Il est assez remarquable de constater que seulement trois ‘hazanim se sont succédé à Hayange sur une durée de plus de 120 ans.


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