Second d'une famille de
quatre enfants et dont le père était cheminot, Robert Bengel,
fut habitué dès son enfance à écouter sa raison
plutôt que sa sensibilité.
Conformément aux projets généreux de ses parents, son parcours
scolaire le mena directement du lycée de Saverne au Grand Séminaire
de Strasbourg, puis à la faculté de Théologie de Strasbourg
où il obtint sa licence. Il accomplit son service militaire en Syrie
où il contracte la fièvre typhoïde et la malaria. En raison
des séquelles, il sera déclaré inapte au service armé.
En 1935, il est nommé vicaire à la paroisse de Niederbronn-les-Bains.
Il y fonde la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) où il
fait la connaissance de Louis Schmmieder. Les deux hommes se retrouveront à
Limoges en 1942, lorsque Louis Schmmieder s'évadera d'Alsace et adhérera
au Réseau Martial.
De 1936 à 1943, Robert Bengel est aumônier de l'Ecole Normale Catholique
du Bas-Rhin, à Obernai, puis à Solignac en Limousin.
A ses fonctions officielles d'enseignant de la religion s'ajoute une charge spirituelle auprès de ses élèves, pouvant aller jusqu'à la direction de conscience. Mais il manque certainement d'expérience pour y faire face. Il assure aussi occasionnellement une présence à l'internat. C'est ainsi qu'il encadre, en novembre 1939, le convoi des élèves évacués en Limousin. Il est également l'aumônier du clan routier de l'Ecole Normale, où les élèves ont décidé de poursuivre leurs études plutôt que de rentrer dans leurs familles en Alsace annexée.
A Solignac, il partage totalement la vie du village et de l'école. En
effet, il assiste souvent le curé de la paroisse : offices religieux,
prêches, confessions, contacts pastoraux le familiarisent à la
réalité économique et sociale de la région où
les mentalités et le régime de la propriété sont
encore largement modelées selon le régime d'avant 1789.
Dans son enseignement, il a pour objectif de donner aux normaliens, appelés
à enseigner l'histoire sainte, une solide formation d'histoire de l'Eglise,
de dogme et de morale, en totale continuité avec la doctrine officielle
qu'il ne se permettait pas alors de remettre en cause. Ses cours sont solidement
charpentés mais théoriquement trop ambitieux pour des novices
en Philosophie.
Cependant, il étoffe ses recherches personnelles : la foi doit mener
à la réalisation du royaume de Dieu sur terre par l'épanouissement
du dynamisme vital et la conquête du bonheur.
Ses sermons collent à la réalité, ils sont souvent cocasses
par leurs exemples : "Si vous avez du sucre, mangez du sucre !" en
temps de restrictions...
En fait, l'abbé Bengel était d'une extrême exigence envers
lui-même et en attendait tout autant des autres. Sa solitude affective
était comblée par une intense vie spirituelle et par une exigeante
discipline de la vie.
Les jeunes, qui l'entouraient et à qui il dispensait son enseignement,
étaient trop jeunes pour le comprendre et trop récalcitrants à
l'engagement total qu'il proposait. Il haïssait la médiocrité
et ne pouvait souffrir leur oisiveté. Un jour, il proposa à deux
élèves de leur apprendre le latin en cours particuliers. Hélas,
la tâche était trop difficile et le soutien du groupe leur faisait
défaut ; dès les premières déclinaisons, le courage
les abandonna, à sa grande déception.
Robert Bengel ne se limitait pas à prêcher le Royaume : il était
habité du désir intense de le réaliser ici-bas.
Ainsi, dès 1940, il accueille avec enthousiasme les initiatives sociales
de la Révolution Nationale : il parcourt la campagne, participe à
des meetings pour convaincre les paysans d'augmenter le rendement de leurs terres
en installant des fosses à purin. Il milite donc pour le progrès
du monde rural. De même, l'abbé Bengel s'indigne du sort réservé
aux femmes et s'engage passionnément pour l'amélioration de leurs
conditions de vie et de travail.
Ses incitations pressantes, publiques ou dans le cadre de démarches privées,
lui mettent les propriétaires à dos. Le plus puissant d'entre
eux, maire de Solignac et très influent industriel, le somme de se limiter
à son rôle de prêtre et lui donne congé de son appartement
! Cet avertissement n'a aucun effet sur l'abbé qui s'obstine. Le maire
de Solignac fait pression sur Monseigneur Rastouil, évêque de Limoges,
qui met notre "révolutionnaire exalté" en demeure d'arrêter
ses activités politiques. Monseigneur Ruch, évêque de Strasbourg
réfugié en Dordogne, a pour lui une profonde estime. Il lui adresse
une lettre de regret et d'encouragement.
Ainsi, le 19 mars 1941, Monseigneur Rastouil prononce l'interdit canonique diocésain.
L'aumônier de l'Ecole Normale doit alors se limiter strictement à
ses activités auprès des étudiants.
Ce désaveu officiel plonge l'abbé Bengel dans un grand désespoir
dont seul peut le tirer la présence de sa jeune soeur, elle aussi réfugiée,
ainsi que le ferme soutien de ses amis proches.
Cette brutale sanction confirme et accentue une remise en question radicale
de sa position de chrétien en regard du contexte historique.
A ce moment le soutien des Catholiques de France à Pétain, auquel
avait adhéré Robert Bengel en 1940, vient de se fissurer.
En effet, certains d'entre eux sont déçus par la Révolution
Nationale et ses slogans qui en découlent ("Travail, Famille, Patrie")
visant à établir un "ordre nouveau" inspiré de
l'Action Française, sous protection de l'occupant. Ces quelques hommes
rompent le consensus pour s'orienter vers la résistance active et l'opposition
au régime.
En Limousin, dès le 17 juin 1940 et précédant l'appel du
Général de Gaulle, Edmond Michelet avait montré la voie
en publiant un tract citant Péguy. Au fil des mois, ses amis de la Démocratie
Chrétienne, les Chrétiens Sociaux et les membres des Equipes sociales
se regroupent autour de lui.
De même, à Limoges, le réseau commence à s'organiser
dés 1941. En effet, Pierre Traversat fonctionnaire des Finances, membre
du NAP (Noyautage des Administrations Publiques), et commissaire de Province
des Scouts de France, et R. Schmidt, premier responsable de Combat, et son épouse
Marie-Antoinette entrent alors en Résistance.
A Solignac et toujours en 1941, le "Noël des Séparés"
et la messe de minuit, qui sont célébrés par le clan routier
dans une grange du village de Boissac, donnent l'occasion au regroupement des
Chrétiens décidés à passer à l'action.
Peu à peu, l'abbé Bengel se rapproche d'eux et fréquente
la famille André et Marie-Louise Roulière, confectionneurs,
ainsi que Marcelle et René Deville (1), représentant
la Résistance Fer et Combat.
Evoquons un instant le fonctionnement de ces réseaux de Résistance
à travers le témoignage du Père (assomptionniste) Roger
Guichardan (2), qui fut aussi rédacteur en chef du
Pèlerin, à Limoges et soutien actif de la Résistance
:
"La chose n'est pas facile On ne travaillait pas alors dans la résistance au plein jour de la liberté. Même en zone sud, la terreur régnait, Les camps de concentration étaient ouverts et regorgeaient. Les fiches s'accumulaient dans les services de police. La censure du courrier et du téléphone n'était pas un leurre. Combien ont payé de leur liberté de ne pas s'être méfiés ! Et ce qui était plus grave, combien de fois ne fallut-il pas reconstruire des organismes de résistance dévoilés, puis décimés, par l'imprudence verbale ou épistolaire de quelques-uns ! Chacun ne s'ouvrait que devant tels amis éprouvés. Encore, ceux-ci ne perçaient-ils qu'une part du mystère : celle qu'ils accomplissaient avec vous. On leur cachait soigneusement le reste. On agissait à 3 ou 4. Et c'était déjà beaucoup ! Ce petit groupe se connaissait. Mais on pouvait aussi agir avec d'autres groupes, sans qu'entre groupes différents nul n'en sût rien. Notre vie s'était cloisonnée. Les plus forts vécurent ainsi plusieurs vies indépendantes, sans liens, parfois sous plusieurs identités. On goûta des heures exaltantes. A certains moments, on avait l'impression de donner enfin toute sa mesure d'homme et de réaliser ce vieux rêve de l'adolescence de jouer sa vie sur tous les tableaux. Tel vécut au grand jour un numéro dans un groupement qui s'emparait des plans de voies ferrées, qui convoyait du "plastic". Ailleurs, il passait des réfractaires du STO, etc. ...Ici, tels amis l'avaient contacté en faveur de mystérieux services de renseignements. Là, on savait l'appeler pour travailler à certaines évasions d'hôpital, le faire agir pour que telle porte se trouve curieusement ouverte entre une heure et deux heures du matin."Cette évocation correspond exactement au système cloisonné dans lequel les différents réseaux s'interpénétrent et dans lequel, encore, l'abbé Bengel entre sous le pseudonyme de "Monsieur Paul" puis sous celui de "Monsieur Félix". Celui-ci n'est connu que de quelques personnes qui, elles-mêmes, ne se présentent que sous une fausse identité.
A l'automne 1943, le MUR crée, au nord de Limoges, le maquis de l'Armée
Secrète. Celui-ci participera à la prise de Limoges en août
1944, puis formera le 2ème bataillon du régiment du bataillon
de Marche, Corréze, Limousin (MCI) intégré au 9ème
Zouaves de Belfort en janvier 1945, et participera avec la 1ère Armée
française aux campagnes d'Alsace, des Vosges et d'Allemagne. Il sera
affecté, en juin 1945, à la Sécurité de la région
parisienne.
A Solignac, par contre, il faut avancer à visage découvert. Robert
Bengel est prêt à consentir tous les sacrifices. Maigre, blafard
sous son béret débordant et tout aussi large que sa houppelande
aux poches profondes où plongeent ses bras anguleux, il apparaissait
comme le parfait conspirateur, secret, illuminé. En tant que prêtre,
il peut entrer partout sans se trahir. Il sait tenir le langage simple mais
pressant du devoir, de la charité ou de la solidarité. L'abbé
sait rassurer ou bousculer les timorés, rendre service et obtenir un
service en retour.
Mesdemoiselles Marcelle et Ginette Roulière racontent que leur maison
familiale, contiguë à l'atelier de tricotage fut, de très
nombreuses fois le lieu d'accueil transitoire de personnes en fuite que le réseau
orientait vers elles.
Il s'agissait de Juifs, d'adolescents, d'adultes accompagnés jusqu'à
Solignac par l'abbé Bengel ou par Germaine
Ribière, alors assistante sociale des Amitiés Chrétiennes
et attachée aux (Oeuvres de Secours de l'Enfance. Ces personnes étaient
confiées par le Docteur
Gaston Lévy responsable de l'OSE.
Il fallait leur trouver une cachette provisoire ou définitive auprès
de familles de toutes conditions et leur confier ces inconnus afin de leur permettre
de poursuivre leur pénible fuite ou de se cacher. Des situations devinrent
parfois explosives, des disputes pouvaient éclater entre réfugiés
et "familles d'accueil", certains ne pouvaient plus supporter d'être
enfermés et perdaient patience. Une famille ne put échapper à
la déportation malgré la courageuse vigilance des gendarmes de
Solignac qui avertissaient les personnes en danger. Des réfugiés
témoignèrent de leur reconnaissance, après la guerre, aux
personnes qui avaient pris le risque de les aider. C'est ainsi qu'Éliane
et André Traband figurent au Mémorial des Justes Yad Vashem à
Jérusalem.
De même et à titre posthume, Robert Bengel s'est vu décerner
le titre de Juste parmi les Nations le 18 septembre
2002.
Souvent, René Deville s'arrange pour que des résistants soient acheminés dans le tender d'une locomotive jusqu'à Limoges ou Solignac, et pris en charge par le réseau en vue d'accomplir une mission, entrer dans un maquis ou disparaître provisoirement.
Pendant de nombreux mois, Robert Schmidt, alias Malinvaud ou Mercier, doit soigner au restaurant du Pont Rompu un maquisard grièvement blessé au maquis de l'Armée Secrète, situé au nord de Limoges.
De nombreuses personnes en fuite ont également besoin de papiers d'identité. Madame Francine Jabbot épouse Peronnet subtilise des formulaires à la mairie. Marie-Françoise Roulière les signe de la griffe de l'adjoint au maire. Certains papiers officiels nécessitent une retouche. Fernand Lauer, intendant à l'Ecole Normale, sait habilement utiliser les produits chimiques achetés à la pharmacie ou que lui porte Claude Hemmendinger, pharmacien stagiaire de Limoges. Guy Streicher les remet à leurs destinataires. Chez un commerçant, Monsieur Rouberol (plaque tournante du réseau limougeaud), on confectionne clandestinement des titres officiels. Malgré toutes les précautions prises, un maillon du réseau sera découvert. Un homme est pris et finalement, parle. Schmidt et Traversat sont arrêtés et envoyés dans un camp, mais sans avoir trahi. Le premier, pour quelques mois après lesquels il récidivera, le second, reviendra de Mathausen après la Libération. C'est alors qu'il apprendra la mort, au maquis, de son fils et de son beau-frère.
Les Roulière, les Deville et Robert Bengel ne se laissent pas décourager pour autant. On dit même que l'abbé tenta secrètement d'infiltrer la milice, ce qui lui valut après la guerre d'être soupçonné de collaboration. Il fut ainsi l'objet d'une enquête avant d'être réhabilité.
Dans le même temps, l'araignée du Sicherheitsdienst (avec l'aide
de la Milice}, tisse sa toile.
Début novembre 1943, l'abbé n'est pas à son domicile lorsqu'une
voiture vient pour le cueillir au petit matin. Son voisin guette son retour
et le cache dans sa réserve de bois.
C'est à partir de ce moment que Robert Bengel passe pour de bon dans
la clandestinité, il fait ainsi l'objet, à sa demande et sur avis
favorable de son directeur, de plusieurs mises en congé avec traitement
de l'Administration mais reste quand même sur place. Le docteur Gaston
Lévy dit dans ses Souvenirs
(page 5) :
"C'était le 27 août 1942, le jour après l'enlèvement de quelques enfants en bas âge, dans la honteuse intention de vouloir les faire déporter avec leur famille, dans l'action euphémiquement appelée "Réunion des familles", un prêtre catholique, l'abbé Bengel, venait me voir .Il poursuit donc son activité de résistant jusqu'en 1944 où il est contraint de partir se réfugier dans les Vosges.
Il avait été évacué au début de la guerre d'un village derrière la ligne Maginot avec ses villageois, sur le Limousin. Il résidait à Solignac près de Limoges. "J'ai entendu, docteur, que vous vouliez cacher des gosses ?
- Oui, nous sommes malheureusement obligés de soustraire les enfants des griffes de la Gestapo et de leurs collaborateurs français.
- Je suis votre homme. Je me suis fait beaucoup d'amis dans le milieu rural et je placerai les enfants que vous me donnerez dans des familles sûres où personne ne les prendra.
Il a pris immédiatement un certain nombre d'enfants et les a emmenés en lieu sûr.
Le lendemain, ce même abbé Bengel est revenu me voir pour me prier de lui écrire le Hamalakh Hagoël (la prière du soir) dans des lettres latines pour qu'il puisse, le soir, faire la ronde de ses protégés et leur faire réciter la prière avant de dormir.
Le brave abbé est resté notre collaborateur fidèle jusqu'à la fin de la guerre. Il savait trouver des placements sûrs chez les paysans et en trouvait aussi pour les adultes.
Pour les convoyeurs et les convoyeuses des gens à mettre à l'abri, il est devenu l'abbé "marche ou crève", car il n'admettait pas qu'on puisse vouloir se reposer entre deux convoyages urgents".
Après la Libération, il revient en Alsace pour y reprendre du
service dans le diocèse de Strasbourg.
Nommé curé d'une paroisse du côté de Saverne (canton
de Marmoutier), il va prendre très à coeur sa tâche pastorale
auprès de la population à majorité - et à mentalité
- paysanne, dans cette période d'après-guerre peu facile à
vivre pour bien des gens. Et là encore, comme dans le Limousin, il ne
se limitera pas à la dimension "spirituelle" de son ministère,
mais s'emploiera à venir en aide à ses ouailles dans leur vie
quotidienne, soit en leur prodiguant conseils et soutiens face aux situations
difficiles, particulières, soit en essayant de susciter des initiatives
communes pour jeunes et adultes, au plan local.
On en découvre les multiples facettes, touchantes de
générosité à toute épreuve et de vérité
(...), dans son livre Toute la vérité. Les expériences
d'un curé (3). Ce sont là autant de témoignages
de son indéfectible souci de "servir Dieu en servant le prochain".
Il veut ainsi se mettre au service de la vérité, suivant la consigne
du pape Pie XI :
"Le premier don de l'amour du prêtre à son entourage (...),
c'est celui qui consiste à servir la vérité, toute la vérité
à dévoiler et à réfuter l'erreur sous quelque forme,
sous quelque masque ou déguisement qu'elle se présente".
Ce faisant, il pense pouvoir tirer de ses "expériences du curé",
"une leçon à portée universelle", par quoi se
fait jour son penchant profond pour l'abstraction et la prise de distance. Il
en résulte un jugement global plutôt pessimiste, porté aussi
bien sur la pesante inertie des individus que plus généralement
sur ce qu'il nomme "le Système", "ce fléau des
médiocrités qui se retrouve dans toutes les administrations",
un mal qu'il juge"particulièrement redoutable dans le domaine religieux".
Une telle intransigeance, à la fois intellectuelle et viscérale,
confrontée au "bas-monde" des contingences et des compromissions
humaines, ne peut pas ne pas lui créer des difficultés de toutes
sortes, se soldant en conflits ouverts avec les uns et les autres, y compris
avec cette Eglise qu'il croit servir en disant "la vérité,
toute la vérité" à ceux qui en étaient les
représentants officiels.
Finalement, une telle situation conflictuelle va le décourager, le décevoir
et l'épuiser tant physiquement que moralement.
Après plusieurs rencontres avec des conseillers spirituels, il obtient,
à sa demande et de la part de l'évêque, la réduction
à l'état laïque ainsi que la retraite anticipée.
C'est ainsi qu'en avril 1958, avec l'aide de quelques âmes dévouées,
l'abbé Bengel va quitter l'Alsace pour s'installer, dans un premier temps,
à Anzeling, petit hameau lorrain du côté de Bouzonville.
Le temps de la retraite va lui permettre de reprendre et approfondir
des idées fondamentales sur l'épanouissement de l'homme, et d'en
publier l'essentiel dans son ouvrage Le merveilleux humain (4).
L'abbé Bengel y propose un idéal conduisant l'homme à la
perfection :
"l'homme majeur capable de diriger sa vie rationnellement et de réussir dans l'épanouissement et la joie (…) Les principes et les lois restent lettre morte s'ils ne sont pas intégrés à un élan de vie, partant des profondeurs et jaillissant dans le conscient en une affectivité heureuse. Cette quête trouve une suprême réponse dans l'union à Dieu avec des significations, une confiance et un amour incomparables. L'intelligence connaît ses richesses. Mais, c'est au cœur de les étreindre dans une admiration un zèle inépuisables".Nous retrouvons là ses thèmes et sa manière de penser de 1940, mais également l'influence du psychanalyste K.G. Jung et sa théorie de l'inconscient affectif. Il prend, en effet, en compte l'irruption non rationnelle de l'affectivité.
Mais toujours poussé par sa quête intellectuelle et par le besoin d'approfondir sa conception très personnelle de la vie humaine, Robert Bengel va s'établir à Vaux-sur-Seine, ce qui lui permettra de suivre des cours en Sorbonne.
Robert Bengel finit sa vie de manière rustique, au contact d'une famille
ouvrière portugaise dont la présence des enfants lui avait révélé
la tendresse humaine. Il garda le profond regret du temps perdu, mais en retira
une meilleure compréhension de lui-même ainsi que l'apaisement
trouvé dans un échange confiant.
Il avait pourtant gardé son intrépide esprit missionnaire. Ce
qu'il écrivit à l'un de ses anciens élèves, en 1982,
révèle son âme en quête d'Absolu, un testament prêché
à temps et à contre-temps :
"Je voudrais vous proposer une autre étude: entreprendre la conquête mystique de votre établissement, lui imprimer une orientation et un enthousiasme. missionnaires. Dieu vous le demande et, avec sa grâce, vous réussirez. Je peux vous aider pour certaines indications. Mais c'est l'effort de votre esprit, de votre coeur et de votre amour divin qui seront décisifs."Le 31 octobre 1987, Robert Bengel décède dans une extrême simplicité, après une vie entièrement consacrée à la mise en oeuvre très scrupuleuse de sa foi, au service de son prochain et de la société humaine.